Soutenance de thèse de Piotr Bartochowski

Présentée par Piotr Bartochowski

Le 14 décembre 2023

Sous la direction de Àngel ARGILÉS,

Et le co-encadrement de Nathalie GAYRARD et Magali CORDAILLAT-SIMMON

Modifications de la barrière intestinale et du microbiote intestinal dans des modèles animaux de maladie rénale chronique et de calcification vasculaire

Résumé :

L’insuffisance rénale chronique (IRC) est caractérisée par une réduction persistante de la fonction rénale qui s’accompagne de dysfonctionnements d’autres organes.  Au niveau intestinal, des modifications de la barrière et du microbiote ont été rapportées, qui pourraient contribuer à la progression de la maladie par le biais d’une inflammation chronique d’origine intestinale et la production de toxines urémiques. Dans ce contexte, l’objectif de cette thèse est d’identifier les modifications de la barrière intestinale et du microbiote intestinal au cours de l’IRC.

Dans une étude bibliographique, la pertinence des modèles animaux de l’IRC pour l’étude de l’axe intestin-rein a été étudiée. Les modèles rongeurs d’IRC permettent d’étudier les changements de l’intestin et du métabolisme du microbiote intestinal, mais les changements de composition du microbiote ne sont pas reproduits. Les principaux facteurs qui affectent le microbiote intestinal sont la méthode d’induction de l’IRC, l’espèce animale et les conditions d’hébergement. Pour améliorer la transposition des résultats à l’homme, il est préférable d’utiliser des espèces omnivores dont l’IRC a été induite chirurgicalement et qui sont hébergées séparément dans des conditions contrôlées.

La seconde étude s’est focalisée sur la caractérisation de la barrière intestinale de l’iléon et du côlon dans un modèle d’IRC associée ou non à une calcification vasculaire (CV) chez le rat, par des méthodes histologiques et moléculaires. La CV est une complication de l’IRC caractérisée par l’accumulation de cristaux de phosphate et de calcium dans les cellules musculaires lisses des artères, induisant une perte d’élasticité et de contractilité, ce qui favorise les maladies cardiovasculaires. Le principal changement observé chez les animaux atteints d’IRC est une réduction de la production de mucus, plus importante en présence de CV. La présence de NLRP6, un acteur important de l’immunité intestinale, est réduite dans l’iléon des animaux atteints d’IRC avec ou sans CV. L’expression du gène NLRP6 est positivement corrélée à plusieurs gènes de l’intestin liés aux jonctions serrées, à la réponse immunitaire et au système antioxydant, et négativement corrélée à la fibrose rénale et au taux plasmatique d’indoxyl sulfate. La concentration de cette toxine urémique augmente avec l’IRC et est associée positivement à la CV et négativement à la production de mucus.

La troisième étude visait à identifier les modifications de la composition du microbiote intestinal au cours de l’IRC. Ces modifications sont évaluées à l’aide du métabarcoding, l’une des méthodes de séquençage de nouvelle génération. Chez les rats insuffisants rénaux, la composition du microbiote intestinal ne semble pas différente du groupe témoin (composition globale, α-diversité et β-diversité). Les rares différences significatives concernent des variants de séquence d’amplicon avec de faibles contributions au microbiote (dont 13 uniques au microbiote de l’IRC, 6 augmentées et 5 réduites par rapport au groupe témoin). Des différences significatives de β-diversité ont été observées entre les deux points au début de l’expérimentation (avant la chirurgie) et au moment du sacrifice. Ces résultats diffèrent de la littérature et sont au moins en partie liés à des problèmes méthodologiques identifiés à postériori.

En conclusion, les modèles animaux d’IRC sont adaptés à l’étude des perturbations de l’axe intestin-rein. Pour la première fois, des changements de la barrière intestinale dans un modèle animal d’IRC avec CV ont été rapportés. La réduction de l’expression de NLRP6 dans l’iléon suggère un rôle important dans le maintien de l’homéostasie de la barrière intestinale. Une dysbiose du microbiote intestinal spécifique à l’IRC n’a pas été observée, mais l’étude nécessite d’être répétée avec l’inclusion de contrôles supplémentaires.